Celui de ses livres auquel nous avons emprunté son titre a une histoire singulière :
C’est en 1936, au moment où l’Europe est en proie à une intense agitation sociale et où l’Amérique vit les dernières années de la Grande Dépression, que Fortune Magazine lui commande un reportage. Il devra, pendant six semaines, en compagnie du photographe Walker Evans, enquêter sur les Blancs pauvres de l’Alabama.
Pendant cet inoubliable été, les deux hommes vont vivre en totale immersion dans le monde des métayers les plus touchés par la crise, côtoyant à chaque heure les trois familles qui devront représenter toutes les autres. Comme des espions, presque comme des voleurs, ils traqueront la vérité de ces damnés de la terre à l’Américaine. Et ce qui devait n’être qu’un reportage deviendra, par le lyrisme, la férocité de la précision, la compassion fraternelle et aussi l’immense talent tant du photographe que de l’écrivain, une oeuvre universelle, véritable cri de colère et d’indignation, qui, bien entendu, sera refusée par ses commanditaires. Lorsque Agee la publiera, sous forme de livre, en 1941, elle aura si peu de succès que seulement 600 exemplaires en seront vendus. Mais comme les chefs d’oeuvres finissent toujours par trouver leur chemin, Louons maintenant les grands hommes est désormais reconnu comme un des plus grands livres du XXe siècle.
C’est en 1972 que la maison Plon l’ a publié pour la première fois en français, traduit par Jean Queval, dans la prestigieuse collection « Terre Humaine » créée par Claude Levi-Strauss.
James Agee était mort, le 16 mai 1955, à New York, d’une crise cardiaque, dans le taxi qui l’emmenait chez le médecin, quarante ans, jour pour jour, après son père, mort le 16 mai 1915, dans un accident de voiture.
Son dernier livre, Une mort dans la famille, roman autobiographique inspiré précisément par la mort de son père et publié après la sienne, a reçu, en 1958, le prix Pulitzer à titre posthume.